Evolution du trait de côte

Auteur avatarMaud Milliet | Dernière modification 7/06/2024 par Flonguet

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À quoi ressemblait notre littoral il y a 50 ans ? Cette activité consiste à observer et comparer des photos aériennes prises à différentes époques, et à constater les évolutions.
Licence : Attribution (CC-BY)

Introduction

En quelques dizaines d'années, les communes côtières ont vu leur population augmenter fortement, et le développement de nombreuses activités humaines : construction, tourisme, transport, pêche, agriculture... Ces activités humaines, mais aussi le phénomène naturel de l'érosion, contribuent à modifier le paysage côtier, en particulier la limite entre terre et mer, que l'on appelle le trait de côte. L'activité proposée ici permet de mieux comprendre l'évolution du trait de côte, et plus généralement des zones littorales, en comparant des photos aériennes anciennes et récentes.
  • Fichiers

Étape 1 - Préparation du matériel

Rassembler et préparer le matériel nécessaire :


  • des feuilles de papier
  • des pochettes transparentes (une par commune étudiée).
  • des notes autocollantes (autant que de photos)
  • des marqueurs effaçables, de préférence de couleurs différentes
  • télécharger et imprimer en couleurs les photos aériennes Prises par l'IGN (Institut national de l'information géographique). Les photos de huit communes sont disponibles au téléchargement ici : Brest (photographiée au XXe et au XXIe siècle), Lorient (XXe et XXIe siècle), Arzal (XXe et XXIe s.), Roscoff (XXe et XXIe), Etel (XXe et XXIe), St Cast-Le-Guildo (XXe et XXIe), Groix (XXe et XXIe), le Vivier sur Mer (XXe et XXIe). On peut choisir d'autres communes côtières et télécharger ou faire des captures d'écrans des photos aériennes sur le site https://remonterletemps.ign.fr .Conseil : prévoir au moins une commune différente par binôme de participants.
  • découper si besoin les photos pour séparer les photos récentes (XXIe siècle, en couleurs) et les photos anciennes (XXe siècle, en noir et blanc)
  • glisser chaque photo dans une pochette transparente de préférence numérotée à l'aide des notes autocollantes
  • coller une note autocollante sur le nom des communes pour les masquer

Étape 2 - Découverte des photos aériennes et des lieux étudiés


  • Présenter brièvement les photos sans révéler les communes photographiées, indiquer les années où les photos ont été prises
  • Prendre l'une des photos et s'exercer collectivement à identifier quelques éléments visibles : mer, plages, rochers, routes, ports...
  • Poser les photos en ordre aléatoire sur la table et demander aux participants de reconstituer chaque paire : le même lieu photographié dans les années cinquante (photo en noir et blanc) et dans les années 2010 (photo en couleur). Discuter collectivement les choix. On peut interroger les participants pour savoir s'ils reconnaissent certains lieux, notamment ceux près desquels ils habitent. Révéler les communes présentées en photo, en retirant les notes autocollantes.


Étape 3 - Etude de l'évolution du trait de côte

  • Choisir une paire de photos d'un même site à analyser collectivement, pour l'exemple
  • Répartir les autres photos parmi les participants : une paire de photos d'un même site par binôme
  • Comparer, sur l'exemple choisi, la photo ancienne et la photo récente. Repérer notamment les principales zones construites, zones agricoles, plages et accumulations de sédiment (sable et vase, visibles en blanc, beige ou brun). Inviter le groupe à observer ses propres photos.
  • A l'aide d'un marqueur, tracer sur la pochette transparente les limites des principales zones construites (villes, ports, parkings, ponts, barrages...), dans une même couleur, par exemple en rouge. Tracer les limites des principales zones agricoles dans une autre couleur (ici en vert), et celles des principales accumulations de sable et de vase, ainsi que les limites de la côte, en bleu. Le groupe réalise la même opération sur toutes les photos.
  • Pour chaque paire, retirer les photos de leurs pochettes transparentes, et intervertir les photos ancienne et récente en échangeant leurs pochettes, pour faire ressortir les grands changements apparus depuis le milieu du XXe siècle. On peut également poser les deux pochettes côte à côte sur une feuille blanche pour montrer quelles zones ce sont étendues ou ont régressé en quelques décennies et quels éléments sont apparus.
  • Proposer aux binômes de venir présenter les photos de leur commune d'étude et leurs observations.
  • Discuter : Quels changements observe-t-on ? Retrouve-t-on les mêmes changements dans toutes les communes ? Qu'est-ce qui a pu causer ces changements  ? Sont-ils naturels ou liés aux activités humaines ?


Comment ça marche ?

Observations : que voit-on ?

Sur certaines communes, on observe des changements importants : à terre, la plupart des villes se sont étendues, et la côte s'est urbanisée, avec l'apparition de constructions nouvelles : villes qui s'agrandissent, ports et zones portuaires récents, certaines surfaces bétonnées ont été gagnées sur la mer (parkings, zones d'activités portuaires, digues, barrages...). Les zones agricoles occupent moins d'espace que dans les années cinquante, les champs sont devenus moins nombreux et plus grands. Sur certaines zones côtières on remarque aussi la diminution ou le déplacement des plages, et parfois l'apparition ou au contraire la disparition de bancs de sable ou de zones de vase.

Mise en garde : qu'est-ce qui pourrait faire rater l'expérience ?

La capacité à s'orienter dans l'espace, et donc à comprendre et analyser une photo aérienne, dépend de l'âge des enfants et de leurs apprentissages. Dès la maternelle, les programmes scolaires incluent des activités variées pour apprivoiser, étape par étape, l'observation d'un lieu sous différents points de vue, apprendre à lire un plan, une carte, se repérer sur une maquette, sur une vue aérienne, à utiliser les points cardinaux etc...


C'est généralement à partir d'environ 7 ans qu'un enfant commencera à comprendre l'espace représenté, c'est à dire à pouvoir se repérer dans un espace autrement que par rapport à lui-même. Certains enfants, notamment les plus jeunes, peuvent éprouver des difficultés à identifier ce qu'ils voient sur une photo aérienne. On conseillera cette activité de préférence avec des enfants âgés de plus de 7 ans, mais même après cet âge, il est possible que certains rencontrent quelques difficultés à se repérer sur les photos aériennes et n'osent pas l'exprimer. Les animateurs.trices pourront prendre le soin de décrypter les photos progressivement avec l'ensemble des participants, en commençant par rappeler qu'il s'agit de "vues de dessus", que les objets qui leur sont familiers sont visibles ici mais parfois de très petite taille, en invitant les enfants à désigner des repères simples (la mer, les routes...), puis plus complexes , comme les maisons, les champs, les bateaux... Ne pas hésiter à commencer par une vue de la commune de résidence des participants, où ils pourront plus facilement identifier des éléments qui leur sont familiers.


Avec les plus jeunes enfants, ou si l'on constate des difficultés, on peut réaliser des activités préparatoires ludiques pour être plus à l'aise avec l'orientation spatiale, comme la construction d'une maquette de la salle d'activité, l'installation d'une scène "vue de dessus" avec des jouets (figurines, maisons en carton...).

Explications

Les zones côtières ont attiré beaucoup d'habitants depuis les années cinquante, ce qui se traduit directement par l'augmentation de la taille des villes. Cette augmentation de la population a entrainé le développement des activités économiques telles que le transport maritime, la plaisance et les autres loisirs nautiques et le commerce. Cela explique la forte urbanisation du littoral, et la construction de nouveaux ports port de commerce et de plaisance, de zones portuaires, parkings, commerces, écoles de voile... Lorsque l'espace venait à manquer pour de nouvelles constructions, il était courant dans les années soixante et soixante-dix d'augmenter artificiellement les surfaces terrestres en ajoutant des roches et du béton dans la mer jusqu'à faire émerger des zones de construction supplémentaires. On voit dans ce cas le trait de côte avancer sur la mer entre les années 50 et 2010.


Les nouvelles constructions réalisées sur la mer, de même que les digues et les barrages, modifient la circulation des courants, et des sédiments qu'ils transportent. Le sable et la vase, dont l'évacuation peut être bloquée, vont alors s'accumuler sur certains sites et créer des îlots, des plages ou des vasières. Ce phénomène est parfois si important qu'il peut gêner la circulation maritime et nécessiter des opérations de dragage.


Au contraire, les zones où les courants ou la force des marées se renforcent à cause de certaines constructions peuvent être plus fortement exposées à l'érosion, phénomène naturel alimenté par le vent et la mer, qui grignote peu à peu les plages en emportant le sable. Il est fréquent aussi, après la construction d'un port, d'observer une zone plus sombre qui trace comme une sorte de couloir dans la mer. Il s'agît de chenaux, qui sont souvent creusés pour faciliter la circulation des bateaux.

Plus d'explications

Principaux points sur l'évolution du trait de côte de quelques communes littorales :

  • Brest : en comparant les photos, on remarque qu'une zone portuaire très étendue a été construite, avec hangars, stations d'épuration, bassins à flots, parkings, chantiers navals, aires de carénage... le port de plaisance est bien visible, de même que le chenal creusé pour y accéder. Les surfaces agricoles sont moins nombreuses que dans les années 50, surtout au Nord, où la ville s'est étendue, et les parcelles (champs) sont plus grandes (ce qui facilite le labourage et la récolte par des engins agricoles à moteur).
  • Lorient : on constate qu'une grande surface de vasière a été recouverte par la construction d'une vaste zone portuaire. La zone photographiée, située en fond de la rade et au centre ville de Lorient, ne comporte pas de parcelles agricoles, ni dans les années cinquante ni plus tard. Les bateaux de plaisance sont nombreux et bien visibles dans le port sur la photo récente, alors qu'ils étaient peu nombreux et dispersés dans les années cinquante. Ceci illustre bien le très fort développement de la plaisance ces dernières décennies, comme de l'ensemble des loisirs nautiques.
  • Arzal : sur un site presqu'exclusivement agricole dans les années cinquante, on distingue le nouveau port de plaisance et sa zone portuaire, et le célèbre barrage qui traverse la rivière. Un autre élément frappant est l'accumulation très importante de sédiment apparue en amont du barrage : une zone envasée s'est formée contre le barrage, et un banc de sable ou de vase s'étend maintenant sur plusieurs centaines de mètres. Les villes et villages se sont étendus, et les surface agricoles ont diminué.
  • St Cast le Guildo : Le principale changement observable sur la côte est la construction du port de plaisance, qui abrite de très nombreux bateaux, et l'apparition de surfaces bétonnées (parkings) à proximité. La plage voisine est toujours intacte (attention à ne pas confondre l'érosion et l'effet des marées, la photo ancienne est visiblement prise à marée basse). La ville s'est légèrement étendu, les parcelles agricoles ont reculé.
  • Roscoff : la commune et sa côte ont beaucoup changé depuis les années 50. Un port-terminal ferry a été construit pour assurer les liaisons des ferries avec l'Angleterre et l'Irlande, accompagné de parkings et voies d'accès de véhicules très étendus. Un important port de plaisance a ensuite été construit (vers 2010). Les surfaces agricoles, très nombreuses dans le passé, ont beaucoup regressé, les champs sont moins nombreux mais ils sont devenus plus grands, les habitations se sont multipliées.
  • Etel : on observe que la ville s'est nettement développée, remplaçant une part importante des surfaces agricoles et des dunes voisines de la ria. L'installation d'un port de plaisance a sans doute été accompagnée d'opérations de dragage et de consolidation des bords de la rivière (les eaux sont visiblement plus profondes) et d'une artificialisation d'une partie de la zone naturelle de vasière de la ria d'Etel.
  • Ile de Groix : on est frappé par la multitude de très petites parcelles agricoles visibles dans les années cinquante sur cette partie de l'île, probablement travaillées encore en partie sans engins agricoles mécanisés à cette époque, qui ont cédé la place à des champs individuellement plus étendus mais moins nombreux. Les zones boisées, très rares sur l'île dans le passé, sont plus nombreuses (le bois servant de combustible avant la généralisation de l'électricité, et même les plus petites surfaces étant réservées à l'agriculture, les arbres étaient coupés). Le village (Locmaria) s'est étendu. La célèbre plage convexe des Grands Sables située à la pointe de l'île dans les années cinquante a migré progressivement vers le Nord sous l'effet de l'érosion.
  • Le Vivier sur Mer : on remarque que les champs occupent globalement une surface moins importante, mais sont chacun plus grands que dans le passé. La ville s'est étendue, et une zone portuaire a été construite. Le chenal naturel a apparemment été élargi et son tracé modifié par dragage.

Applications : dans la vie de tous les jours

L'artificialisation du littoral a un impact très négatif sur l'environnement, elle entraine la destruction directe ou progressive d'une multitude de milieux naturels littoraux, souvent très fragiles, comme des vasières, des champs d'algues, des herbiers de phanérogames (des plantes marines ressemblant à de longues herbes), des bancs de maerl (une algue calcaire bretonne), ou des récifs de corail en zone tropicale. Ces écosystèmes, qui servent d'habitat à un grand nombre d'organismes marins, sont souvent totalement détruits par l'urbanisation du littoral, en étant recouverts par le béton, décimés par la pollution ou par l'envasement dus aux activités humaines, et ne peuvent pas se reconstituer si les conditions ne s'y prêtent pas.


A la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, des lois et des mesures de protection ont été mise en place pour protéger une partie du littoral français. Certaines zones sont désormais interdites à la construction. Dans les zones où l'urbanisation se poursuit, les milieux naturels d'origine sont parfois "déplacés", c'est à dire recréés dans d'autres zones, pour diminuer l'impact des constructions littorales sur l'environnement. On parle de "mesures compensatoires". Elles peuvent consister à replanter un herbier ou un récif corallien, installer des récifs artificiels... Mais l'efficacité de telles mesures est très discutable, car les sites choisis n'offrent pas toujours les conditions de vie adaptées pour une recolonisation par les organismes marins, et les espèces fragiles qui sont à la base de l'écosystème, comme les coraux, les algues calcaires (maerl) ou les phanérogames ont souvent une croissance très lente. Les scientifiques estiment ainsi qu'il faut plus d'un siècle pour reconstituer un herbier de zostères, et ce même lorsque les conditions environnementales sont favorables.


La construction de nouveaux ports de commerce et ports de plaisance entraine en général, même si ceux-ci sont bien gérés, des pollutions ponctuelles ou régulières par les hydrocarbures contenus dans les carburants des navires, par les peintures utilisées pour protéger les coques des bateaux, ou par leurs eaux usées (quand celles-ci ne sont pas correctement collectées et traitées dans les ports).

L'urbanisation provoque la disparition progressive des milieux naturels côtiers, comme les marais, les zones humides, les prés et les dunes. Ces milieux naturels contribuent à filtrer et dépolluer les eaux qui ruissellent jusqu'aux rivières et à la mer. Leur diminution rend les bords de mer plus vulnérables aux pollutions d'origine agricole ou urbaine.


La montée du niveau des océans, causée par le réchauffement climatique global, modifie elle aussi le trait de côte en aggravant le phénomène naturel d'érosion. Lors des tempêtes et des grandes marées, les vagues et les vents provoquent régulièrement l'effondrement de dunes et de pans de falaises, et occasionnent des dégâts sur les constructions côtières. Les zones les plus touchées sont les régions de faible altitude et les littoraux où des zones de constructions ont été bâties sur la mer, qui regagne aujourd'hui du terrain.

La gestion intégrée des zones côtières (GIZC) consiste à développer les activités économiques, touristiques et agricoles des régions littorales en s'efforçant de préserver l'environnement et les ressources marines, c'est une démarche récente, qui s'inscrit dans le développement durable. Pour fonctionner, ce type de gestion nécessite un dialogue permanent entre les habitants, les élus, les professionnels (pêcheurs, industriels, agriculteurs), les touristes, et que chacun tienne compte des intérêts communs et individuels pour exercer son activité ou ses loisirs sans géner les autres activités ni déséquilibrer les milieux naturels. Cette démarche donne lieu à des initiatives et des actions communes. Différents usagers du littoral (marins, pêcheurs professionnels, animateurs nature...) peuvent par exemple participer ensemble à des animations et à la création de dépliants pour sensibiliser les touristes et les habitants à la pratique de la pêche à pied responsable. Des élus, des industriels et des plaisanciers peuvent travailler ensemble à l'installation d'équipements pour la collecte et le recyclage des déchets dans un port. Des agriculteurs, des aquaculteurs, des plongeurs amateurs et des pêcheurs peuvent adapter ensemble leurs pratiques pour améliorer la qualité des eaux et préserver un site sous-marin remarquable et fragile, comme un herbier de phanérogames...

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Éléments pédagogiques

Objectifs pédagogiques

- se repérer sur des photos aréiennes et analyser les paysages et consructions

- constater les changements des zones côtières en comparant des photos aériennes anciennes (années 50) et récentes

- comprendre les notions d'évolution du trait de côte, d'urbanisation et d'érosion

- comprendre les origines et conséquences des modifications naturelles ou articifielles du trait de côte

- faire le lien entre l'evolution du trait de côte et les enjeux liés au changement global : développement durable, enjeux économiques, urbanisation, démographie...

Pistes pour animer l'expérience

Cette activité peut être par exemple proposée dans le cadre d'animations sur le thème de l'urbanisation, de la protection du littoral. Elle peut être complétée par des sorties d'observation des côtes, où les participants pourront dessiner des cartes du littoral, repérer les constructions récentes, les zones naturelles fragiles, les surfaces agricoles, les dégâts causés par les tempêtes... Leurs observations pourront être préparées, comparées ou complétées par une étude des photos aériennes de la commune.

Sources et ressources

https://remonterletemps.ign.fr

Dernière modification 7/06/2024 par user:Flonguet.

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